Objectifs

Le but du projet de recherche HyperCarte est de mettre au point des outils interactifs de production, de représentation et d'interrogation cartographique des phénomènes sociaux qui prennent en compte leur nature particulière ainsi que l'extrême complexité des demandes sociales et politiques qui peuvent être adressées à la cartographie statistique. Ni les atlas papier (qui figent chaque phénomène en une représentation unique), ni les Systèmes d'Information Géographique (dont la capacité d'analyse spatiale est encore très faible et dont le coût financier et technique est très élevé) ne nous semblent répondre aux nouvelles demandes qui sont adressées aujourd'hui à la cartographie par les sciences sociales et plus généralement par la société.

Le concept "HyperCarte" repose sur l'hypothèse centrale que toute spatialisation d'un phénomène social peut faire l'objet d'un nombre infini de représentations en fonction de la nature intrinsèque des phénomènes sociaux, en fonction des hypothèses du concepteur de la carte, en fonction des objectifs, des demandes, des pratiques ou des croyances des utilisateurs finaux de l'information cartographique. D'un point de vue théorique, nous considérons que les cartes sont des formes, au sens que donne Simmel à ce terme, c'est-à-dire à la fois des tentatives ' nécessairement imparfaites ' de reconstruction de la réalité sociale mais aussi des éléments nécessaires de production des phénomènes sociaux.

Toute représentation cartographique d'un phénomène social est porteuse d'une certaine violence symbolique puisque tous les choix qui président à son établissement (cadrage, orientation, échelle, maillages, seuils, trames visuelles) expriment les choix dans la reconstruction scientifique ou politique de la réalité sociale.

Face à ce problème, la posture essentialiste tend à refuser toute légitimité aux représentations cartographiques statistiques qui donnent une forme abstraite aux phénomènes sociaux, et s'inscrivent dans une relation de pouvoir. Une cartographie issue du traitement de données statistiques quantitatives est a priori suspecte, dès lors qu'elle repose sur des catégorisations sociales (e.g. les CSP), des catégorisations spatiales (e.g. les unités administratives de collecte) et des catégorisations temporelles (e.g. les dates de recensement) qui sont autant de grilles déformantes, de normes imposées par un pouvoir à la société.

Tout en reconnaissant le caractère légitime et fécond de cette posture dans le cadre de la démarche critique des sciences sociales, on ne peut ignorer le considérable impact de la cartographie statistique sur la perception des territoires. L'attitude consistant à favoriser la multiplication des représentations cartographiques permet de nuancer et de modérer l'apport descriptif et argumentatif de chacune d'entre elles. Ainsi, plutôt que de se limiter à un refus de la cartographie statistique interdisant tout débat avec les milieux d'aménagement, il s'agit de favoriser le débat sur la carte telle qu'elle est utilisée dans la société contemporaine.

La justification de cette démarche s'appuie en outre sur une posture formaliste consistant à défendre la possibilité d'une connaissance de la manifestation spatiale des phénomènes sociaux à travers les statistiques, mais en assumant le caractère multi-dimensionnel de ces derniers et en tentant de réduire la violence symbolique dont sont porteurs tant les catégorisations spatiales mobilisées que le rapport unilatéral entre producteur et lecteurs des cartes. Au lieu de se limiter à l'univers des représentations individuelles " porteuses d'une vision anomique et atomisée de la société "cette approche propose d'ouvrir le champ des possibilités de représentation cartographique des phénomènes collectifs sociaux et de lever l'hypothèque de la relation de pouvoir producteur-lecteur en offrant à chacun, individu ou groupe, la possibilité "d'explorer le monde cartographiquement" (Tobler, 2000) et d'en construire des représentations multiples en fonction de son identité ou de ses objectifs.


$Revision: 742 $ on $Date: 2013-10-09 18:22:03 +0200 (Wed, 09 Oct 2013) $ by $Author: blerubrus $